Passer au contenu principal

À l'entrée des sorties

 


Bonjour. Comment vas-tu ? Que fais-tu en ce moment ? Tu portes quoi comme vêtement ? Tu as déjà mangé ? Moi, je suis immobile sur le lit, je regarde le temps qu'il fait dehors à travers la fenêtre en fer forgé. Je me sens bien, le vent glacé souffle gentiment pour me dire que j'ai tort d'avoir dormi avec un caleçon et un maillot. Entre temps, je mange le temps pour décevoir les heures, les minutes et aussi les secondes. C'est rare au petit matin, de m'entendre respirer. Aucune odeur ne me monte au nez si ce n'est celui de mon existence, par le simple fait que je pense. Sous ce moustiquaire un peu troué, je m'autorise à penser sur le mouvement de la vie. Je crois bien que le mouvement de la vie est palpable. Le grand mouvement est une fête nationale.

Pour se projeter dans la mobilité, j'appelle deux mots à se montrer. Effectivement, ils sont deux verbes ; un verbe du premier groupe et un verbe du deuxième groupe. Paradoxalement, les sujets ne peuvent pas bouger par eux-mêmes. Il faut laisser un acte s'émaner de soi, de toute évidence s'exprimer est primordiale. Les verbes sont là pour cela, ils endossent une part de responsabilité dans l'action posée.

Ces deux verbes ne sont pas aussi célèbres que le verbe être qui marque l'existence même pas autant que le verbe avoir qui se manifeste dans la possession. Dans un confort si silencieux, je deviens un animateur. Place au lever de rideau. Place aux feux des projecteurs. Je vous demande d'accueillir chaleureusement, sous un tonnerre d'applaudissements les verbes "entrer et sortir" qui sont passés de présentation mesdames et messieurs. Ils sont comme l'aller et le venir, et comme tant d'autres d'ailleurs mais avec une touche spéciale. Ce qui paraît formidable, c'est le développement de l'attente, c'est la patience forgée entre eux comme quoi celui qui a dit bonjour à l'entrée sera là pour dire bonsoir à la sortie. C'est comme-ci celui qui part fait la promesse de revenir. Quand la barbe du premier mouvement se brûle, le deuxième mouvement trempe la sienne dans l'eau froide. C'est une étrange et visqueuse relation. Merveilleuse illustration.

Comment être plus méticuleux dans ce propos ? Ce qui pourrait m'amener à atterrir quelques questions qui ont les épaules assez larges pour supporter le poids du monde. Et ceci, toujours dans un dialogue personnel avec moi-même, il y a une studieuse façon de passer l'interrupteur d'une interrogation commune et intime. La question a le goût des jeunes filles, elle rend témoignage à ma sensibilité. Puisqu'elle doit s'interposer pourvu que ce ne soit maintenant, pas vrai. Comment on entre dans le mouvement d'aimer, de donner, de prendre...? Et comment on en sort ? On a pris l'habitude de parler souvent de porte d'entrée et porte de sortie. C'est un fait d'esprit avant tout, concrétisé dans le réel. Et pour reprendre Dangelo, l'entrée et la sortie, ce sont des lieux connus et fragiles. Dans la vie courante, on peut le remarquer, on sort par la même porte qu'on est entrée dans les maisons, elles sont surtout construites comme ça en Haïti. Il y a des magasins qui ont une porte pour panser chaque mouvement. J'aime beaucoup ça.

Dans la logique humaine, on trouve qu'il est sensé de chercher une porte de sortie pour entrer dans la vie. Je n'en disconviens pas. On entre. On sort. On entre pour ressortir. On sort pour rentrer. C'est ainsi que va la vie. Dans la littérature, j'ai signé mon entrée par la lecture, j'aimerais en sortir par l'écriture, et jouir d'une immortalité en devenant un bel mort qui pense.

Perdu dans mes pensées, j'ai oublié que mon téléphone avait affiché 15 % de batterie. Je dois quitter le lit, mon espace de création pour aller connecter mon téléphone intelligent dans son chargeur. Entre temps, je réfléchis à comment je vais entrer dans la chambre du dimanche pour découvrir ses poulets frits, ses mets fins et gourmets, ses alléluias, et ses chapelets ourlés.



John Guyve François

Commentaires

Cristal a dit…
Toujours un plaisir de lire tes textes si captivant😊
Unknown a dit…
J'aime ce que je viens de lire

Messages les plus consultés de ce blogue

Eddy Est Immortel

Du matin au soir La joie jouait dans ta cour Le bonheur, Pour le respect de la parole donnée  Se reposait dans tes éclats de rire En toute quiétude On refait ton chemin Avec nos bras Amas d'amour On reconstruit le rêve  Du demain des enfants Sans trembler devant le présent Avec la mesure de ton charme On appréhende la première goutte Des pluies abondantes Car C'est au mauvais temps Qu'il faudra semer Les bonnes graines d'humanité Ainsi va la vie Qui t'a reconnu "Immortel"   Guyveco

Sans Culotte

Tu es sans culotte ! Tu as toujours été considérée comme une Femme, une Femme fébrile qui se laisse tripoter par tous, il suffit d'un je t'aime à la con pour que tu laisses tomber ton fromage. On te promet toujours de belles choses, de beaux vêtements, des bijoux et tous les accessoires de beauté pour enfin que ton corps connaisse du vrai tissu qui l’embrasse, du bon parfum qui lui est aspergé et un bon bain qui le reverdisse de fraicheur. Mais ce que l'on fait toujours, c'est qu'on t'amène dans un magasin de vêtements pour femme et on te loue tout ce que tu veux, et toi tu penses qu'on te les a tous achetés, mais après quelques jours tu seras encore dénudée quand on viendra les réclamer.  Tu possèdes un grand appareil à deux tranches qui ne se trouve pas sous ta culotte depuis un certain temps. Il vogue en plein air, il erre dans les rues de Port-au-Prince, dans les quartiers populaires, les banlieues, les ghettos ainsi que les villes de provinces...

Une lettre à ma mère

Ce qu'il me faut maman, c'est un café. Une bonne tasse de café comme celle qui m'attend chaudement chaque dimanche matin, sous le ciel de lambi 3. Ce n'est pas quelque chose que je peux expliquer, mais l'homme que je suis devenu a besoin d'un généreux café prêt à lui offrir du temps. Du temps emballé dans un papier cadeau qui lui garantit une réflexion capable de pénétrer dans les allées des mots et des pensées. Ainsi, ce vrai café que tu aimes faire couler pour abreuver l'âme d'un fils ; je le sens toujours dans les phrases que j'aime maman.    Contrairement à Jean D'Amérique, le meilleur poète de sa génération, je n'aurai pas tout mon temps pour vieillir. J'essaie en ce moment de servir de cadre au poème pour croiser le regard des amours inévitables. Et sur mon coeur, je forme une stéréo au nom de l'espoir pour enfin moduler ma voix interne dans le mouvement des émotions. Je te lis le poème comme suit : 《 Libre aux arbres de danser...